Vladimir Poutine et la séparation des pouvoirs
Alors que le mouvement de persécution des ONG russes par le pouvoir se poursuit, le premier jour du procès de l’opposant russe Alexis Navalny, avocat de profession et leader des mouvements de protestation anti-corruption, a commencé hier. Ce dernier est accusé d’avoir illégalement favorisé une vente de bois pour un montant de 500 000$.
Les faits remontent à 2009, et M. Navalny risquerait 10 ans d’emprisonnement au regard du chef d’inculpation. Quand on sait qu’en Russie 99,6% des procès se concluent par la reconnaissance de la culpabilité de l’accusé, on est en droit de s’inquiéter sur l’avenir politique de l’opposant.
Bien que la cour nie ostensiblement tout rapport entre le procès et l’engagement politique de l’accusé, la coïncidence reste troublante : un procureur avait une première fois conclu à l’absence de pièces suffisantes justifiant la tenue d’un procès. Mais après que M. Navalny soit devenu l’opposant n°1 à Vladimir Poutine après des manifestations particulièrement suivies l’an passé, les autorités fédérales ont curieusement décidé de ré-ouvrir le dossier…
L’absence de preuves semble patente : selon l’avocate de M. Navalny, l’ensemble de l’accusation repose sur le seul témoignage d’un homme dont l’impartialité est plus que douteuse. Ce dernier avait en effet été limogé sur conseil de M. Navalny.
Le recours à la machine judiciaire pour écarter un opposant n’est pas un fait nouveau dans la Russie de M. Poutine. On se souvient du cas emblématique de l’ancien dirigeant de Lukoil, Mikhail Khodorkovsky, qui croupit toujours sous les verrous. C’est cependant la première fois qu’un dirigeant politique de premier plan est ainsi attaqué.
En réalité, si Vladimir Poutine a recours à de telles méthodes pour faire taire l’opposition, c’est qu’il peut se le permettre sans trop de risques.
Qui protestera contre le procès indu dont Alexis Navalny est la victime ? Les pays occidentaux n’en ont ni la volonté, ni le pouvoir. Ses partisans le feront. Ces derniers sont des membres d’une classe moyenne (re)naissante excédée par la conception toute personnelle qu’a M. Poutine de la démocratie et surtout par la corruption, grand fléau russe. Cette classe moyenne est de plus en plus véhémente, de plus en plus déterminée, mais elle reste minoritaire.
Le problème est bien là : Vladimir Poutine dispose d’une base de soutien populaire encore très large. De ce fait, même si les protestations des opposants sont chaque jour plus audibles, même si le nombre d’opposants prêts à manifester semble croissant, une majorité de russes parait fermée à leurs revendications. Tant que cela ne changera pas, tant que la conscience politique d’une majorité de russes n’évoluera pas, Vladimir Poutine pourra continuer à essayer de museler l’opposition par la force.
Mais qui sait ? La Russie a beau avoir été un exemple d’imperméabilité à la démocratie au cours de l’Histoire, elle peut encore nous surprendre. Ne tirons pas de conclusions trop hâtives sur l’avenir politique d’un pays aussi complexe.